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Les infox sur le Covid sous surveillance

L'équipe du projet WebClim met son expertise de l'étude de la circulation des informations fausses ou trompeuses au service de l’examen des infox sur le Covid-19.

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Erratum : Une version précédente de cet article présentait des diagrammes sur la diversité des publications des groupes Facebook. Ces figures basées sur des publications datant de mars et avril 2020 n’étaient pas robustes dans le temps et ne correspondaient plus à la situation actuelle. L’équipe WebClim a donc choisi de les retirer.

Alors que le nouveau coronavirus continue de se propager dans le monde entier, il en va de même en ligne des informations fausses ou trompeuses sur la pandémie. Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, est allé jusqu'à dire que "nous ne luttons pas seulement contre une épidémie, mais aussi contre une infodémie". Dans ce contexte, l'équipe du projet WebClim du medialab a voulu étudier quels acteurs ont propagé des infox sur le Covid-19 sur la base des vérifications réalisées par l’association de scientifiques Science Feedback.

La propagation des infox sur le Covid-19 sur Facebook

Pour étudier les réseaux qui propagent la désinformation sur le Covid-19 sur Facebook, l'équipe WebClim a extrait le 15 mai 2020 une liste de 620 articles qui relaient une des 33 affirmations sur le Covid-19 ayant été étiquetées comme fausse ou trompeuse par Science Feedback. Les différents groupes Facebook ayant partagé publiquement un lien vers un de ces 620 articles entre le 1er janvier 2020 et le 20 mai 2020, ont ensuite été collectés (via l’API de CrowdTangle) selon la méthodologie utilisée pour étudier le réseau de propagation des infox sur le changement climatique

Le graphe ci-dessous montre en rouge ces groupes Facebook et en gris les noms de domaines des liens partagés. La taille des noeuds est proportionnelle au nombre d’infox publiées par un nom de domaine ou relayées par un groupe Facebook (pour ne pas encombrer le graphe, seuls les groupes Facebook qui avaient partagé au moins deux infox différentes ont été conservés).

Le réseau Facebook de désinformation sur le Covid-19 tel qu’identifié à partir des fact-checks de Science Feedback
 

A titre d’exemple, l’équipe  de WebClim a analysé la  diffusion de la vidéo extrêmement virale “Plandemic”.  Ce  film véhicule de nombreuses idées fausses, trompeuses ou sans fondement. Sur le graphe ci-dessous, on peut voir les 98 articles et médias qui ont republié ce film (en vert), ainsi que les groupes Facebook qui ont partagé un lien vers un de ces articles (en rouge). La taille des groupes Facebook est proportionnelle à leur nombre d’abonnés.

La propagation du film “Plandemic” sur Facebook
 

Des groupes Facebook plutôt généralistes et politisés

Les 10 groupes Facebook qui partagent le plus d’infox sur le Covid-19 rassemblent des groupes de désinformation ou de conspiration sur des sujets très divers,  tels que “OFFICIAL Q / QANON”, “Chemtrails Global Skywatch”, ”The Great Awakening”, ou le groupe “Vaccine Resistance Movement” orienté sur l’opposition aux vaccins. Ces groupes ont d’ailleurs des noms peu évocateurs du Covid-19.

Les 10 groupes Facebook qui partagent le plus d’infox sur le Covid-19
Les 10 groupes Facebook qui partagent le plus d’infox sur le Covid-19

Des groupes Facebook très productifs pendant la crise

Les groupes qui partagent le plus d’infox sur le Covid-19 semblent être des groupes de désinformation qui partagent régulièrement des infox sur différents sujets. La crise du Covid-19 a-t-elle contribué à augmenter leur popularité ?

Pour mener cette étude préliminaire, l’équipe WebClim s’est concentrée sur 14 groupes Facebook ayant partagé 10 infox ou plus sur le Covid-19 ; les groupes partageant trop de publications par jour ont volontairement été écartés pour former un échantillon permettant de mener l’étude dans un temps raisonnable. 

Les publications de ces 14 groupes ont été collectées sur une période courant du 15 septembre 2019 au 15 mai 2020 afin de comptabiliser le nombre de commentaires et de réactions (les like, love, favorite, ‘ahah’, wow, angry, sad, et thankful) qu’ils ont suscité par jour. 

Certains groupes comme “The Great Awakening”, “Chemtrails Global Skywatch”, “QAnon -Posts by Q” et “WWG1 WGA...Q” ont vu leurs nombres de commentaires et d’interactions augmenter fortement pendant la crise du Covid-19 (mars, avril et mai 2020). A l’inverse, d’autres groupes comme “Vaccine Resistance Movement: VRM Updates & News From The Trenches” et “United States for Medical Freedom” ont eu une popularité assez stable au cours des 8 derniers mois. 

On peut noter que “Wuhan Coronavirus (Latest news, information & discussion)”, le seul groupe ciblé sur le coronavirus dans notre échantillon, a été créé en janvier 2020, et a rencontré assez vite une certaine popularité.

Cette augmentation des interactions pour certains groupes Facebook peut s’expliquer de deux manières: 

  • chaque publication peut avoir suscité plus d’interactions du fait de l’attention récente portée sur le Covid-19, et/ou 
  • ces groupes de désinformation peuvent avoir profité de la crise pour publier plus.

Pour mieux comprendre cet effet, l’équipe WebClim a compté le nombre de publications par jour de ces groupes, et calculé le nombre d’interactions quotidiennes moyen par publications.

Le nombre de publications par jour a globalement augmenté au cours de ces derniers mois (en rouge), particulièrement pour les groupes que nous avons mentionnés comme ayant une augmentation récente de popularité (“The Great Awakening”, “Chemtrails Global Skywatch”, “QAnon -Posts by Q” et “WWG1 WGA...Q”). On ne remarque pas de tendance claire pour le nombre d'interactions par publication (en bleu).

Ces groupes de désinformation ayant publiés plus de contenus pendant la crise sanitaire, cela explique l’augmentation du nombre d’interactions par jour observée. Notons que la plupart de ces groupes sont extrêmement prolifiques avec entre 400 et 500 publications par jour, qui recueillent chacune en moyenne une soixantaine de réactions et commentaires.

Des sites de désinformation déjà connus

L’équipe WebClim s’est également intéressée aux sites qui ont partagé ces infox. 

Les 10 noms de domaine qui ont partagé le plus d’infox sur le Covid-19 selon la base de données de Science Feedback
Les 10 noms de domaine qui ont partagé le plus d’infox sur le Covid-19 selon la base de données de Science Feedback

Outre les plateformes de partage de vidéos et de réseaux sociaux, on retrouve des sites de contre-information de l’extrême droite américaine comme les sites conspirationnistes des Qanon qui défendent aux Etats-Unis la thèse conspirationniste de l’“Etat profond”, Infowars et Zero Hedge. Aux États-Unis, la pandémie a été constituée comme un nouveau thème clivant venant exacerber la polarisation politique. La remise en cause de l’importance de l’épidémie, les attaques contre l’étranger et notamment la Chine, la certitude qu’un complot des laboratoires pharmaceutiques entrave la mise en place de thérapies simples et accessibles constituent autant de thèmes qui divisent fortement l’opinion publique américaine.

Une contribution à l’effort international

Cette  étude  exploratoire visait à cartographier le réseau d’infox sur le Covid-19. Si ces résultats basés sur un nombre restreint de groupes ne visent pas l’exhaustivité, ils ont permis de mettre en évidence l’implication de sites web de désinformation déjà connus et de groupes Facebook de désinformation très généralistes. Les informations sur le Coronavirus ont quitté les sphères spécialisés et sectorielles (santé, climat) pour devenir un sujet de polarisation politique. 

On retient également que les publications de ces groupes ont suscité ces derniers mois plus de réactions et de commentaires qu’avant, ce qui est surtout le résultat de leur plus grande activité. 

Pour passer à l’échelle, l’équipe WebClim travaille actuellement à répliquer ces résultats  sur un échantillon de groupes Facebook plus important et à partir d’une autre base de données, comme  la CoronaVirus Fact-Checking Alliance, qui centralise les contributions de fact-checkers du monde entier (plus de 100 organisations de 45 pays) sur l'épidémie actuelle.