1. médialab Sciences Po
  2. Productions
  3. Conséquences sociales de la crise sanitaire sur le long terme dans le milieu du travail : discontinuités professionnelles, créativité organisationnelle et usages du numérique

Conséquences sociales de la crise sanitaire sur le long terme dans le milieu du travail : discontinuités professionnelles, créativité organisationnelle et usages du numérique

Claire Bidart, Vincent Cardon, Cathy Krohmer, Antoine Machut, Anton Perdoncin, Caroline Vincent

La crise sanitaire du Covid‐19 et le confinement de la population à trois reprises depuis le printemps 2020 a affecté durablement tous les citoyens dans leur vie quotidienne tant du point de vue des conséquences économiques, sociales ou sanitaires. Selon le genre, l’âge et les ressources socio‐économiques et culturelles des individus et des ménages, et la crise a révélé ou accentué des inégalités face à la maladie, aux conditions de logement ou de travail, mais aussi au regard des liens sociaux en général, qui ont été amplement documentées (Delage et al., 2021 ; Lambert et Cayouette-Remblière, 2021 ; Mariot, Mercklé et Perdoncin, 2021 ; Bidart, 2021). On peut également s’interroger sur l’ampleur de ces changements dans la durée. A‐t‐on affaire à un “turning point” (Abbott, 2001) dont les effets dans un grand nombre de domaines de la vie sociale vont se révéler irréversibles ? Les enquêtes conduites jusqu’ici sur cette période particulière ne peuvent suffire pour répondre à cette question. À partir d’un programme d’enquêtes de grande ampleur appuyé sur un « panel » de plusieurs milliers de Français recruté au moment du premier confinement du printemps 2020, le projet PanelVico vise à rendre compte conjointement, et dans la durée, d’une part des effets de cette crise sur l’évolution des formes de la sociabilité, des dynamiques des relations sociales et des manifestations du lien social, et d’autre part des articulations entre ces évolutions et celles qui seront observables dans différents domaines essentiels de la vie sociale dont notamment le travail. La vie professionnelle a été bouleversée à différentes échelles (activités, relations, organisations, marchés du travail) et dans différentes dimensions (objectives, subjectives, individuelles, collectives). Le télétravail s’est généralisé, les usages des technologies de communication à distance se sont étendus et multipliés au détriment des réunions en présentiel. Les relations professionnelles et les rapports sociaux structurant les scènes quotidiennes du travail se reconfigurent pour s’adapter à l’absence puis à la réduction des contacts en face‐à‐face. En découlent de nouveaux comportements, mais aussi de nouveaux risques sociaux et psychosociaux au travail (Vayre, 2019). L’ambition du projet PanelVico est d’observer les conséquences sociales de la crise sanitaire sur le long terme et notamment dans le milieu du travail. Nous souhaitons comprendre comment la crise sanitaire a affecté, dans la durée, les relations entre les personnes, mais aussi entre les personnes, les collectifs et les institutions. En quoi le développement du télétravail affecte-t-il les pratiques professionnelles et les modifications des relations de travail ? Quels sont les effets du contexte de crise sur les itinéraires professionnels ? Quels sont les effets du contexte de crise sur les usages du numérique au travail et quelles en sont les conséquences sur les relations au travail ? Comment proposer méthodologie spécifique, qui permette une observation longitudinale et multidimensionnelle de la crise ? Dans le cadre du symposium que nous proposons, nous prévoyons quatre communications qui s’inscrivent toutes dans l’axe A du colloque : le monde du travail : collectifs, risques, inégalités et gestion éthique. La première communication concerne la méthodologie générale du projet. Les données mobilisées proviennent de l’enquête Vie en Confinement (VICO). Au printemps 2020, une enquête a été lancée afin de comparer les situations avant et pendant le confinement sur des thématiques variées (logement, travail, activités et vie quotidienne, relations et sociales et rapport au travail). 16 224 personnes ont répondu au questionnaire et plusieurs milliers ont accepté d’être réinterrogés, ce qui a permis de panéliser l’échantillon initial et de réaliser trois vagues successives de collecte de données. Dans la suite du projet, PanelVico s’appuie sur ce large panel constitué, maintenu et exploité depuis plus deux ans par l’équipe, qui comportait en vague 3, en janvier 2022, encore plus de 3 000 personnes), et qui sera rafraîchi par le recrutement de 3 000 répondants supplémentaires à l’automne 2022. Ces premières investigations ont fondé deux convictions. Premièrement, le panel est solide, puisque son attrition est limitée. Deuxièmement, le recours à des méthodes mixtes diversifiées (analyse textuelle de commentaires laissés sur les questionnaires, tirage d’échantillons à partir de réponses données, recodage de typologies inductives, projection de classifications issues des entretiens sur la population d’ensemble, etc) est particulièrement pertinent pour suivre les répercussions de la crise sanitaire. En effet, le programme PANELVICO envisage une grande diversité d’apports méthodologiques, issus en particulier de sa dimension interdisciplinaire (sociologie, mais aussi histoire, science politique, droit, sciences de gestion, sciences du langage).