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Jean-Samuel Beuscart intègre le médialab

Sociologue du numérique, Jean-Samuel Beuscart a rejoint le médialab en octobre dernier : retour sur son parcours et sa recherche.

Chronique

Jean-Samuel Beuscart, nouvellement arrivé au médialab, partage son expérience et ses ambitions. Spécialiste de la sociologie numérique, il explore divers aspects de la numérisation des marchés, de la consommation et de la vie quotidienne. Il nous fait part de ses aspirations et des projets qu’il souhaite développer au médialab.

Bonjour Jean-Samuel, quel a été ton parcours avant de rejoindre le médialab ? 

J’ai suivi une formation généraliste en sciences sociales à l'ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris Saclay), où j'ai acquis une solide culture en sociologie générale. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser aux objets numériques, avec un master consacré à Napster, premier outil de peer-to-peer pour le partage musical. Ce sujet, emblématique par son expansion rapide et les controverses liées au droit d’auteur, m’a passionné.

J’ai ensuite réalisé une thèse en sociologie économique sur le marché de la musique en ligne, étudiant comment Internet reconfigure l’industrie musicale et la question des droits d’auteur. Depuis j’ai toujours continué à travailler sur la musique, en étudiant par exemple comment les algorithmes de recommandation musicale transforment notre rapport à la musique.

Après ma thèse, j’ai travaillé pendant 15 ans chez Orange Labs, explorant comment les dispositifs numériques, comme les avis consommateurs ou la publicité en ligne, reconfigurent les comportements. En parallèle, j’ai enseigné à l’Université Gustave Eiffel.

Il y a 3 ans, j’ai rejoint Télécom Paris comme professeur, où j’enseignais la sociologie du numérique à des élèves ingénieurs. Mon défi était de leur montrer comment la sociologie peut les aider à comprendre les impacts sociaux, éthiques et politiques des technologies qu’ils développent.

Plus récemment, j’ai élargi mes recherches pour explorer l’intersection entre transition numérique et transition écologique. J’ai étudié des outils numériques visant à réduire la consommation énergétique ou à surveiller la pollution, mais j’ai constaté leurs limites face à leurs promesses. Cela m’a conduit à m’intéresser à la sobriété numérique, à l’impact environnemental du numérique et à la manière dont ces enjeux influencent les pratiques des consommateurs.

Quelles sont tes premières impressions en intégrant le médialab ? 

C'est un lieu avec de nombreux chercheurs très compétents et un véritable esprit collectif. Il y a une forte culture de la discussion collective et démocratique, qui marque chaque réunion où les échanges sont toujours très constructifs. 

J’ai aussi pu remarquer que c'est un environnement très dynamique et foisonnant ; je suis encore en train de découvrir la plupart des projets de recherche et je pense qu'il me faudra un certain temps pour appréhender cet écosystème complexe et identifier tous les projets dans lesquels les chercheuses et chercheurs sont impliqués. 

Quels sont tes principaux domaines de recherche ? 

Actuellement, mes recherches se focalisent sur deux axes principaux. Le premier, issu de mes études en sociologie de la consommation numérisée, se concentre sur l'industrie de la musique. Je participe à un projet collectif, "Records", qui analyse des bases de données incluant les traces d'écoute et les préférences des utilisateurs pour étudier l'impact des algorithmes sur nos goûts musicaux. Avec mon collègue Samuel Coavoux, nous explorons ce que signifie posséder une culture musicale à l'ère numérique, notamment à travers les usages très variés des playlists.

Le second axe porte sur la sobriété numérique, vu comme un aspect de la transition écologique du secteur numérique. Ce projet vise à identifier les actions pratiques sous-jacentes aux discours sur la transition écologique. Je m'intéresse aussi, dans la lignée des travaux de Sophie Dubuisson-Quellier, aux normes de consommation et leur régulation. Ce focus permet d'analyser comment les recommandations pour réduire l'empreinte numérique influencent concrètement les pratiques des entreprises et des consommateurs, et comment des entités comme l'ADEME ou la presse promeuvent les éco-gestes et établissent des normes de consommation responsable.

Comment tes travaux sur la numérisation, la transition numérique et écologique trouvent-ils leur place dans les projets du médialab ? 

Mes travaux s'intégreront progressivement et je pense assez naturellement au médialab, spécialisé dans l'étude des objets numériques et la numérisation. Le laboratoire aborde aussi les enjeux environnementaux, notamment avec les recherches de Guillaume Lachenal et Nicolas Benvegnu.

Historiquement, le médialab a été pionnier en cartographiant les controverses environnementales, une démarche initiée par Bruno Latour pour développer des outils théoriques et techniques afin d'analyser ces controverses à travers des objets numériques. Je vais m'appuyer sur ces outils et ces travaux pour mieux comprendre les enjeux environnementaux du numérique. Bien que je n'aie pas encore un plan détaillé, je suis convaincu que mes recherches enrichiront les activités existantes du médialab en apportant de nouvelles perspectives sur les défis environnementaux.

As-tu des projets spécifiques que tu souhaites développer au médialab ? 

Oui, j'arrive au médialab avec plusieurs projets déjà en cours et de l'espace pour en développer de nouveaux en collaboration avec des collègues, tant internes qu'externes.

Récemment, j'ai terminé un projet intéressant sur le temps d'écran que nous sommes en train d'analyser. Je réfléchis actuellement à des façons de le prolonger intelligemment. Nous avons également achevé une première enquête sur les controverses autour de l'empreinte du numérique, et nous envisageons comment la développer davantage, tout en continuant à travailler sur la sobriété numérique.

Je souhaite également explorer la pertinence de certains sujets avec mes nouveaux collègues du médialab, notamment en lien avec les outils de mapping de l'espace public au sens large et les débats politiques autour de l'empreinte du numérique. Il y a une tension dans le débat public où les acteurs du numérique argumentent souvent que le numérique contribue à la transition écologique sans pour autant examiner de près son empreinte environnementale, que j'aimerais aller creuser.

Enfin, je continue de travailler et d’effectuer des recherches dans le domaine de la musique, qui représente pour moi une source d'inspiration et de plaisir supplémentaire.