Des « boues rouges » à la Bauxaline
Sylvain Le Berre, Valentin Goujon, Vincent Banos
Publications – Article/chapitre
Utilisée pour la fabrication de l’alumine et de l’aluminium, la bauxite est une des ressources naturelles cruciales de nos sociétés industrielles contemporaines. Sa transformation génère cependant des restes chargés en métaux lourds et matières radioactives : les « boues rouges ». À l’usine de Gardanne, après plusieurs tentatives infructueuses depuis la fin du XIXe siècle pour requalifier et réutiliser ces boues en une ressource nouvelle, le régime de gestion de ces déchets consistera tout au long du XXe siècle en un entreposage à terre et une évacuation en mer. Devant répondre à une contestation sociale importante et à des contraintes réglementaires plus fortes sur la préservation de l’environnement et la gestion des déchets, l’exploitant industriel relance au tournant des années 1990 les expérimentations de valorisation des boues rouges. Cette démarche de Recherche & Développement vise, tout d’abord, à démontrer l’innocuité environnementale des résidus une fois requalifiés et, ensuite, à favoriser leur redéfinition marchande afin de les « évacuer » sous la forme d’un nouveau produit commercialisable : la Bauxaline®. Mais dans la lignée des difficultés rencontrées dès la fin du 19ème siècle, toutes les pistes vont échouer. Ces échecs successifs témoignent de l’incapacité de l’ingénierie industrielle à « valoriser » ces résidus mais aussi à maîtriser la matérialité même des boues rouges. L’analyse de quatre types d’expérimentations en mer, au sol et en sous-sol, permet de voir combien l’ingénierie industrielle se fait à l’épreuve des fragilités de la matérialité, qui résultent de l’entremêlement de l’agentivité minérale et résiduelle, et des agencements technomarchands.