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Surveillance numérique

Cette séance de TransNum invite à explorer différents aspects de la surveillance numérique.

Event, TransNum Seminar

Salle Corporate 13 rue de l'Université, 75007 Paris

Si celle-ci s’incarne d’abord dans les  pratiques de renseignements mis en place par les États, elle se déploie  aussi sous des formes variées à la faveur du développement des  techniques de captation de données mises en oeuvre par les justiciers  auto-proclamés du vigilantisme russe et par les dispositifs de  vidéo-surveillance mise en oeuvre par les municipalités ou d’autres type  d’acteurs. Les différentes interventions lors de ce séminaire  permettront d’explorer le déploiement de ces techniques de surveillance  en développant un angle particulier sur l’usage de l’identification et  de la vidéo-surveillance.

Programme

“Qu’est-ce que le numérique  fait au renseignement? Qu’est ce que le renseignement fait au numérique  ?" par Didier Bigo (maître de conférences, Sciences Po, CERI, CNRS)
Dans cette présentation, seront d'abord abordés les pratiques des  services secrets visant l’interception des communications avant  internet, puis les possibilités ouvertes par la traçabilité et la  rapidité de circulation des informations, la transnationalisation des  échanges de données transitant par les câbles et les grandes entreprises  du net. Didier Bigo évoquera ensuite les usages sociaux, très  différenciés selon les services, des possibilités ouvertes par le  branchement du renseignement d’interception sur la surveillance  horizontale venant des entreprises du numérique. On observe des  différente entre d'une part les services secrets militaires, policiers  et d'autre part ceux spécialisés sur la communication mondiale  (sigint-internet) et la circulation transfrontière des personnes, des  biens et de l’argent. Si les premiers (au coeur du champ coercitif)  usent de l’informatique comme une technique permettant une accélération  des recherches et un élargissement des cibles potentielles, les seconds  tendent au nom d’un argumentaire de la prévention et de la capacité  prédictive des big data, à « rêver » d’une société d’anticipation des  risques concernant la violence politique terroriste et le déplacement  des populations.
 

“Surveillance et gestualité : petite histoire de la  prévision machinique" par Fernanda Bruno (directrice du MediaLab,  Université Fédérale de Rio de Janeiro)
La surveillance, la gestualité et l’image technique ont des histoires  communes. Dans cette présentation, Fernanda Bruno propose de retracer  quelques aspects de l’histoire des machines destinées à décomposer,  interpréter et anticiper des mouvements et des gestes. Notamment dans le  domaine de la sécurité́ et de la surveillance, la dimension prédictive  se renforce en s’éloignant du paradigme de l’identification qui y était  dominant à l’époque de la modernité́. Plus généralement, les systèmes  actuels de détection algorithmique des gestes et des mouvements opérent  un effacement relatif de l’identité et la reconnaissance de modèles et  d’anomalies permet de prédire des comportements sans référence préalable  à un individu identifié.
 

“Les usages du numérique dans le vigilantisme russe” par  Gilles Favarel-Garrigues (directeur de recherche, Sciences Po, CERI,  CNRS)
Apparue dans le débat académique au milieu des années 2010, la notion de  vigilantisme numérique (digital vigilantism) part du principe qu’avec  le développement d’internet, les pratiques de surveillance, de traque et  de neutralisation mises en œuvre par les justiciers auto-proclamés se  distinguent désormais du vigilantisme classique. Le cas russe permet de  nourrir la discussion à ce sujet. Depuis le début des années 2010, les  entrepreneurs de morale désireux de faire respecter la loi, défendre des  valeurs et rendre la justice au nom de la « société civile » se  multiplient en effet et s’investissent dans les causes les plus  diverses, qui vont de la lutte contre les consommateurs d’alcool dans  l’espace public ou la vente de produits périmés dans les magasins  d’alimentation à la chasse aux dealers de drogue et aux pédophiles. Plus  proches des vigilantes étatsuniens que des « voisins vigilants », ces  justiciers auto-proclamés  partagent un même modus operandi : l’action  menée dans la rue ne fait sens que parce qu’elle est filmée et diffusée  sur les réseaux sociaux, et la volonté de faire appliquer une loi  justifie d’en violer d’autres. Dans cette intervention, je montrerai ce  que doivent ces pratiques justicières aux usages du numérique, non  seulement dans les modes de surveillance mis en œuvre, mais aussi dans  la réalisation d’une action cynégétique et d’un spectacle punitif.
 

“Vendre des dispositifs numériques pour "sécuriser" les  villes : rationalisation et individualisation de la gestion urbaine” par  Myrtille Picaud (chercheure Post-doctorale, Sciences Po, CEE, CNRS)
A Nice, Marseille, Saint-Etienne ou encore Valenciennes, se développent  des projets de « safe city », pendant sécuritaire de la « smart city ».  Ils englobent des dispositifs numériques destinés à lutter contre les  dangers pesant sur l’espace urbain : vidéosurveillance « intelligente »,  où l’analyse d’image s’appuie sur des algorithmes de détection de  mouvements de foule, de violences, d’intrusion ; des plateformes dites  d’hypervision, liant analyse de divers fichiers municipaux et nationaux  et big data en ligne afin de prévenir les crimes ; forces de l’ordre  connectées ; etc. On reviendra sur la façon dont l’industrie de la  sécurité et les pouvoirs publics se mobilisent pour développer ces safe  cities et leur ciblage des populations et des espaces. On conclura sur  les villes que projettent ces acteurs, qui oeuvrent pour une  rationalisation et une individualisation de la gestion urbaine.