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Le web-to-print : une manière alternative d’écrire et de publier des ouvrages

L'ouvrage de Robin de Mourat, Clémence Seurat et Thomas Tari « Le champ des possibles. Une enquête collective à Sevran », paru en librairie à l’automne 2023, est désormais accessible en ligne. L'utilisation du web-to-print, une méthodologie permettant de concevoir le graphisme d’un livre grâce à des outils libres, a eu plusieurs avantages tout au long de leur travail, de l'enquête de terrain à la publication en passant par l'écriture et la mise en page.

Chronique

Il y a un an, Clémence Seurat, Robin de Mourat et Thomas Tari ont publié leur ouvrage « Le champ des possibles. Une enquête collective à Sevran ». Ce livre présente une enquête ethnographique sur la plaine de Montceleux à Sevran, un territoire de 32 hectares souvent décrit comme un vide urbain, ce qu’ils se sont employé·es à nuancer.

On s’est rendu compte que cet espace, qui était défini comme un vide urbain, il y avait en réalité plein de façons de le décrire. (Thomas)

Une enquête participative

La particularité de cette enquête, réalisée dans le prolongement de leur travail sur la cartographie de controverses, tient à sa dimension collective, présente du début à la fin de la recherche.

Ce projet c’est une enquête, mais c’est une enquête collective de plein de manières différentes. Le collectif en question a évolué et était un peu différent à chaque moment de la vie de la recherche. (Robin)

Les trois auteur·es se sont notamment associé·es à La Poudrerie – théâtre des habitants, ce qui leur a permis d’entrer en relation avec des habitant·es de Sevran. Ils ont mis en place différents ateliers lors de leur recherche afin d’échanger avec des acteurs du terrain. Ils ont également collaboré avec l’atelier de cartographie de Sciences Po qui a réalisé des cartes originales à partir de données collectées sur le terrain par les auteur·es, venant illustrer certains chapitres du livre.

Nous avons travaillé avec des gens très différents, mais qui avaient tous un attachement et des connaissances qui leur étaient propres par rapport à cet espace-là. […] Pendant un an et demi, on est sans arrêt revenus sur le même terrain en le regardant chaque fois avec de nouvelles personnes, avec de nouvelles lunettes. (Robin)

Lier le travail sur table et sur le terrain

La phase d’écriture a également été collaborative, puisque les auteur·es ont mis en place un « comité de lecture habitante » qui était constitué de six à huit personnes ayant participé aux ateliers d’enquête. La documentation réalisée lors de chaque atelier avec les habitant·es et les expert·es invité·es a servi de base à l’écriture du livre. 

On a essayé de lier le côté sur table et sur le terrain, ce qui était aussi important dans cette manière de montrer qu’on peut l’observer, le décrire et le représenter de manières très différentes. (Clémence)

L’ouvrage est à présent disponible en ligne, une décision pleine de sens pour les trois auteur·es.

Faciliter le travail collectif et le processus d’écriture

Le premier avantage du web-to-print est qu’il a permis de fluidifier le travail collectif de cette recherche, qui incluait un certain nombre de personnes en plus des trois auteur·es. Il était important pour ces dernier·es d’inclure dans le travail d’écriture les personnes qui avaient travaillé avec eux lors de la recherche. La nécessité d’avoir accès à un outil leur permettant de partager leur travail leur est alors apparue évidente. Ils ont fait appel à Sarah Garcin, graphiste et développeuse, qui a mis en place une plateforme web collaborative.

Il nous importait de ne pas écrire dans notre coin, se dire : ça y est on a vécu un truc ensemble et ciao on ne se reverra plus. […] On a eu besoin d’un outil qui nous permet de partager l’écriture en train de se faire, et c’est pour ça qu’on a travaillé avec Sarah Garcin. (Clémence)

Transformer l’exercice de mise en page et de design

En plus de fluidifier le travail au niveau collectif et le processus d’écriture, le web-to-print a permis de réaliser la mise en page graphique de cet ouvrage. Cette méthode a permis aux auteur·es de se rendre compte au fur et à mesure du rendu visuel du livre, de le partager au “comité de lecture habitante” et de faire des ajustements progressivement.

Sarah Garcin a mis en place une interface qui nous permettait de visualiser au fur et à mesure ce à quoi pouvait ressembler l’ouvrage à la fin. […] Ça a permis aussi, avec Sarah, de vraiment discuter du design du livre, directement avec le contenu en train de se faire. […] On a pu aussi tester des choses et se retrouver avec un livre qui convenait le mieux possible au matériau qu’on avait, aux messages qu’on voulait transmettre. Ça permettait d’ajuster en temps réel. (Clémence)

Rendre l’ouvrage plus accessible

Un autre avantage du format web-to-print réside dans ses possibilités de diffusion. Grâce à la complémentarité de l'ouvrage papier et du support en ligne, les contenus sont plus accessibles et peuvent ainsi toucher différents publics.

Les différents formats vont permettre à une même recherche de circuler et d’être discutée auprès de publics différents. Ce n’est pas juste une histoire de propager à n’importe qui plus ouvertement, mais je pense qu’il y a des gens qui n’en auraient jamais eu connaissance si ça n’avait été qu’un livre sans site web. (Robin)

La mise en ligne permet ainsi de toucher un public différent, notamment le milieu étudiant par exemple.

Le format web circule quand même beaucoup plus facilement qu’un livre, surtout auprès des personnes les plus éloignées , que ce soit géographiquement, au niveau de l’intérêt, ou de l’attachement aux enjeux. (Robin)

Les futurs projets des auteur·es

Clémence, Robin et Thomas démarrent dans quelques mois un projet de recherche à échelle européenne, dans la continuité du « Champ des possibles ». Il porte sur la comparaison de différentes friches en France, en Suisse et en Belgique. L’objectif est d’en tirer une manière de caractériser ces endroits et de les faire valoir dans l’aménagement urbain. Pour cette enquête, il leur tient à cœur de garder une dimension collective et interdisciplinaire.
N’ayant pas débuté cette recherche, la question du web-to-print ne se pose pas encore, mais les auteur·es sont ouverts à l’idée d’utiliser à nouveau cette méthode qui a fait ses preuves pour Le Champ des possibles et Controverses mode d’emploi.