L’action publique au prisme de la gouvernementalité numérique
Séverine Arsène, Clément Mabi
Publications – Article/chapitre
La sophistication et l’omniprésence croissantes des dispositifs numériques appellent à une analyse critique plus détaillée des enjeux de pouvoir et des implications démocratiques qui les accompagnent. En effet, l’environnement numérique, en organisant l’action, impose aux utilisateurs différentes formes de contraintes, depuis la conception des systèmes informatiques, en passant par le design des boutons, et jusqu’aux systèmes de recommandations (Monnoyer-Smith, 2011 ; Badouard, 2014 ; Mabi, 2015). Ces contraintes reflètent l’imaginaire des concepteurs des dispositifs numériques ; elles sont tributaires des impératifs techniques, des modèles d’affaires et des normes juridiques ; elles dépendent aussi des modes d’appropriation par les utilisateurs. L’intégration rapide et massive de ces technologies dans les processus d’action publique invite à interroger ces mécanismes. Les possibilités analytiques et prédictives permises par le traitement massif de données (big data, intelligence artificielle), ainsi que la géolocalisation, promettent également un changement d’échelle dans la portée et la nature du pouvoir exercé. À travers ce pouvoir normatif, les technologies numériques sont susceptibles de contribuer à l’émergence de nouvelles modalités d’exercice du pouvoir dans nos sociétés contemporaines. Réussir à saisir et documenter la réalité et l’intensité de ces changements et de ces reconfigurations est un enjeu essentiel pour les SHS préoccupées par l’analyse des technologies en société, dans le prolongement du célèbre « le code c’est la loi » de Lawrence Lessig (1999)…