Comment se forment les publics d’une carte de crimes ?
Sylvain Parasie, Jean-Philippe Cointet
Publications – Article/chapitre
Dans cet article, nous nous demandons dans quelle mesure un public au sens fort du terme peut se former autour des occurrences diffusées par les plateformes journalistiques en ligne – c’est-à-dire pas seulement un ensemble d’individus qui consomment des informations, mais un être collectif qui partage des interprétations communes. Pour répondre à cette question, nous avons analysé un corpus de 28 828 commentaires postés sur « The Homicide Report », une plateforme apparue en 2010 qui fournit une information standardisée sur tous les homicides commis à Los Angeles. Nous avons eu recours à une méthode d’analyse textuelle très peu utilisée en sciences sociales, qui repose sur des algorithmes d’apprentissage supervisé. Cette enquête conduit à deux résultats. D’une part, nous montrons que les internautes parviennent à élaborer des interprétations communes à partir des occurrences qui leur sont adressées, en combinant trois façons de « faire public » qui empruntent aux médias traditionnels. D’autre part, nous montrons que l’exploitation sociologique des inscriptions textuelles permet de réduire le fossé entre les enquêtes quantitatives sur les audiences – qui se situent à grande échelle, mais échouent à saisir des interprétations – et les études plus qualitatives – qui saisissent des interprétations à une échelle très locale.