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Machines à prédire

Bilel Benbouzid, Dominique Cardon

Reconnaître des personnes, des objets ou des formes dans des images, classer les pages du web avec un moteur de recherche en fonction des recherches passées de l’utilisateur, recommander un bien culturel, un trajet ou un amant, trier les spams, personnaliser une publicité, etc. Les calculs des services numériques empruntent de plus en plus une forme prédictive s’appuyant sur des méthodes d’apprentissage statistique (machine learning). Mais au-delà les mondes numériques stricto sensu, la prédiction calculée devient aussi, dans la police, l’assurance, la gestion des entreprises, la surveillance, la justice, l’attribution de crédits et certaines politiques publiques, une technologie de plus en plus fréquemment mobilisée pour promettre la modernisation des services tout en installant un nouveau régime d’anticipation des événements. Technique de calcul profitant du développement des données massives, la prédiction constitue aussi un principe d’intervention inédit dans et sur la société. Sur la base de régularités observées, ces dispositifs calculatoires rationalisent le futur en le rendant disponible à des formes d’action préventives (Rouvroy et Stiegler, 2015). Ils installent l’estimation probable au cœur de toutes projections temporelles et contribuent ainsi à la « dé-futurisation » du possible (Esposito, 2011). Même si la réalité effective de leurs utilisations est parfois très éloignée de beaucoup de discours qui spéculent déjà sur leurs conséquences, un régime original de compréhension de nos sociétés, comparable à la parole divinatoire (Lazaro, 2018), se dessine dans les laboratoires de recherche et dans les premiers déploiements de ces techniques. (Premier paragraphe)