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De quelle(s) couleur(s) sont les Gilets jaunes ? Plonger des posts Facebook dans un espace idéologique latent

Jean-Philippe Cointet, Pedro Ramaciotti Morales, Dominique Cardon, Caterina Froio, Andrei Mogoutov, Benjamin Ooghe, Guillaume Plique

Le refus de se positionner sur l’axe droite-gauche caractérise le mouvement des Gilets jaunes renvoyant sans cesse dos à dos les formations politiques plutôt que de prendre parti pour l’une d’entre elles. Pourtant les Gilets jaunes, lorsqu’ils font leur apparition en France, s’expriment dans un espace public déjà nourri de tensions et de structures idéologiques préexistantes. À ce titre, leur action est nécessairement située, elle s’inscrit dans cet espace et en hérite certaines propriétés. Il est dès lors légitime de s’intéresser à la place qu’occupe le mouvement, notamment dans sa déclinaison numérique sur Facebook. Comment les pratiques de citation en ligne trahissent-elles non pas la couleur politique du mouvement, mais l’espace politique dont ils se nourrissent et qu’ils alimentent ? Cet article répond à cette question en introduisant un cadre méthodologique original qui permet d’étendre un plongement idéologique d’utilisateurs sur Twitter vers des posts publiés sur Facebook. Nous faisons d’abord appel à une analyse de correspondance pour réduire la matrice d’adjacence qui lie les parlementaires français à leurs followers sur Twitter. Cette première étape nous permet d’identifier deux axes latents qui sont déterminants pour expliquer la structure du réseau. La première dimension distribue les individus selon leur positionnement sur l’axe droite-gauche de l’espace politique. Nous interprétons la seconde dimension comme une mesure de la distance au pouvoir. Ces deux dimensions sous-tendent un espace dans lequel nous positionnons successivement des centaines de milliers d’utilisateurs de Twitter, les URLs et les médias cités sur cette plateforme et, par extension, les publications de près de 1000 groupes Facebook parmi les plus actifs associés au mouvement des Gilets jaunes. Nous quantifions finalement l’évolution des publications de ces groupes dans l’espace idéologique latent pour donner à la fois un sens et une réponse à la question de l’inclinaison politique du mouvement. Les dynamiques observées renforcent l’interprétation d’un mouvement qui, d’abord positionné très à droite, a rapidement opéré un glissement vers la gauche tout en restant fidèle à une attitude contestataire. Cette description par l’usage que les Gilets jaunes font des médias sur Facebook illustre parfaitement l’idée d’un populisme polyvalent.